L’homme politique congolais Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale et professeur associé à la faculté des sciences économiques de l’université de Kinshasa, suscite un débat passionné sur la compatibilité de l’enseignement universitaire avec des fonctions politiques. Alors que la République démocratique du Congo (RDC) est un pays en développement aux défis nombreux, cette question revêt une importance particulière. Examinons les arguments pour et contre cette double casquette avant de prendre une position éclairée.
D’un côté, l’argument en faveur de l’enseignement par des politiciens repose sur la transmission d’une expertise unique. Les politiciens, en raison de leur expérience pratique dans la gestion des affaires publiques, apportent une perspective précieuse aux étudiants. Leur connaissance des mécanismes de prise de décision, des politiques publiques et des réalités du terrain enrichit les cours théoriques et permet aux étudiants de mieux comprendre les enjeux politiques et économiques. Par exemple, Vital Kamerhe, avec son expérience en politique, pourrait offrir des insights uniques sur la gestion économique d’un pays en développement comme la RDC. Cette expérience pratique est souvent absente des curriculums traditionnels et pourrait combler un fossé crucial entre la théorie académique et la réalité du terrain. En enseignant, un politicien comme Kamerhe pourrait ainsi préparer les futurs leaders du pays à affronter les défis réels avec une perspective informée et pratique.
En outre, la présence de politiciens dans le milieu académique peut aider à combler le fossé entre la théorie enseignée et la pratique réelle. Les étudiants peuvent bénéficier de cas pratiques et d’exemples concrets tirés des expériences directes de leurs professeurs politiciens, rendant ainsi leur apprentissage plus pertinent et appliqué. Des figures comme Barack Obama, qui a enseigné le droit constitutionnel à l’université de Chicago avant de devenir président, illustrent comment l’enseignement et la politique peuvent s’enrichir mutuellement. Dans le contexte congolais, cette interaction entre théorie et pratique est particulièrement précieuse, compte tenu des nombreux défis que le pays doit surmonter, allant de l’instabilité politique à la gestion des ressources naturelles.
De plus, les politiciens sont souvent des figures inspirantes pour les jeunes. Leur présence dans les universités peut motiver les étudiants à s’engager davantage dans les affaires publiques et à envisager des carrières dans le secteur public. Vital Kamerhe, par exemple, pourrait inspirer les étudiants à suivre une carrière politique ou dans la fonction publique, contribuant ainsi à former la prochaine génération de leaders. En outre, la diversité des expériences apportées par des politiciens peut enrichir le débat académique et favoriser une réflexion critique chez les étudiants. En exposant les étudiants à une variété de perspectives, on encourage une pensée plus nuancée et informée. Dans un pays comme la RDC, où la participation citoyenne et l’engagement politique sont essentiels pour le développement, cette inspiration peut avoir des effets à long terme.
Cependant, les arguments contre l’enseignement des politiciens à l’université ne manquent pas. La principale critique est le risque de conflit d’intérêts et de partialité. Un politicien actif peut être tenté d’utiliser sa position académique pour promouvoir son agenda politique, influençant ainsi de manière biaisée l’éducation des étudiants. Par exemple, un politicien en poste pourrait faire pression pour que certains aspects de la politique publique soient présentés de manière favorable à ses propres vues, au détriment d’une approche équilibrée et objective. De plus, il existe un risque que les étudiants soient influencés de manière disproportionnée par les opinions politiques de leur professeur, ce qui pourrait nuire à leur capacité à développer une pensée critique indépendante. Dans une démocratie naissante comme celle de la RDC, où l’indépendance de pensée est cruciale pour le développement de la société civile, ce risque est particulièrement préoccupant.
Ensuite, il y a la question de la disponibilité limitée. Les responsabilités politiques sont souvent exigeantes et chronophages. Il est donc légitime de se demander si un politicien peut véritablement consacrer suffisamment de temps et d’énergie à l’enseignement. Vital Kamerhe, en tant que président de l’Assemblée nationale, doit déjà faire face à un emploi du temps chargé. Cette double responsabilité peut nuire à la qualité de son enseignement et à sa disponibilité pour les étudiants. Les cours pourraient être annulés ou reportés, et les étudiants pourraient ne pas recevoir l’attention et le mentorat dont ils ont besoin pour réussir. Ce manque de disponibilité pourrait également affecter la qualité de la recherche académique, un aspect crucial de l’enseignement universitaire.
En outre, la présence de politiciens en tant que professeurs peut créer un sentiment de favoritisme et de privilège injuste au sein de l’université. Les étudiants et le personnel académique peuvent percevoir cette situation comme une exploitation des institutions académiques à des fins personnelles et politiques, ce qui pourrait saper la crédibilité de l’université et nuire à son intégrité. Les universités doivent rester des lieux de neutralité académique et de recherche objective, et l’ingérence politique peut menacer ces principes fondamentaux. De plus, cela pourrait créer un environnement de travail tendu pour les autres membres du corps professoral, qui pourraient se sentir sous pression ou marginalisés.
Un autre argument contre cette double casquette réside dans le potentiel de dilution des responsabilités. En cumulant des fonctions politiques et académiques, un politicien comme Vital Kamerhe pourrait ne pas être en mesure de s’engager pleinement dans l’une ou l’autre de ses responsabilités. La qualité de son travail tant au sein de l’Assemblée nationale qu’à l’université pourrait en souffrir. Une attention partagée entre les deux rôles pourrait également mener à des décisions hâtives ou mal informées dans l’un ou l’autre domaine, ce qui est particulièrement préoccupant dans un contexte aussi fragile que celui de la RDC. La gestion d’un pays en développement requiert une attention constante et dévouée, et le partage de cette attention avec des engagements académiques pourrait s’avérer problématique.
Par ailleurs, il convient de mentionner l’impact sur l’image internationale du pays. La perception internationale de la RDC, déjà marquée par des défis en matière de gouvernance et de développement, pourrait être affectée par la dualité des rôles de ses leaders. L’idée qu’un politicien de haut rang puisse également être engagé dans l’enseignement pourrait être vue comme un manque de sérieux ou de professionnalisme, affectant ainsi la crédibilité du pays sur la scène internationale. Dans un monde globalisé, où l’image et la réputation jouent un rôle crucial dans les relations internationales et les investissements étrangers, ce facteur ne doit pas être sous-estimé.
En conclusion, bien que l’enseignement des politiciens à l’université présente des avantages indéniables, tels que l’apport d’une expertise pratique et la motivation des étudiants, les risques de conflit d’intérêts, de disponibilité limitée et de favoritisme ne peuvent être ignorés. Dans le cas de Vital Kamerhe, il est crucial que des mécanismes de transparence et de régulation soient mis en place pour garantir que son double rôle ne compromette pas l’intégrité académique de l’université de Kinshasa. Par exemple, l’établissement de codes de conduite clairs et de mécanismes de surveillance indépendants pourrait aider à atténuer ces risques. De plus, une rotation des enseignants politiciens pourrait être envisagée pour éviter une trop grande concentration de pouvoir et d’influence.
Ainsi, tout en reconnaissant les bénéfices potentiels, je penche pour une approche prudente et régulée afin de préserver la qualité et l’objectivité de l’enseignement universitaire. Cette prudence est particulièrement nécessaire dans le contexte de la RDC, où la construction d’institutions solides et indépendantes est essentielle pour le développement durable du pays. En fin de compte, l’objectif doit être de garantir que l’éducation reste un domaine où la recherche de la vérité et la formation des esprits critiques prévalent sur les considérations politiques.
Destino Kazika Nzonzidi